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La Russie après le 2 mars

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Les Russes ont voté en grand nombre. Le résultat était connu d’avance. Mais, même en comptant avec certaines irrégularités, ce résultat n’en reste pas moins irréfutable. Le fait mérite une réflexion approfondie sur la nature du pouvoir en Russie plutôt qu’un jugement hâtif sur la légitimité d’un résultat qui, qu’on le veuille ou non, est politiquement significatif parce que largement représentatif. Medvedev accède à la Présidence de la Fédération de Russie au terme d’un processus de désignation qui s’apparente plus à un plébiscite qu’à une élection libre, ouverte et juste. Cette victoire attendue du Vice Premier Ministre et candidat désigné est aussi, sinon même plus, celle de Poutine le Président sortant et future Premier Ministre. La démarche, pour être inhabituelle sous l’angle de la pratique démocratique moderne, n’en débouche pas mois sur un résultat irréfutable. Il est clair qu’une majorité des Russes préfère les certitudes associées, à tort ou à raison, à l’autorité ou à la verticalité du pouvoir aux aléas liés à la démocratie horizontale ou participative. C’est là un fait politique indéniable avec lequel il faut compter.

Medvedev apparaît à certains égards comme porteur d’espoirs de libéralisation et de réformes. La vraie question, à ce stade n’est pas tant de savoir s’il a des idées de changement mais s’il a les moyens du changement. Une chose est en tout cas claire, Medvedev n’a pas de réseau propre ni même d’équipe. Beaucoup dépendra des rapports de force qui s’installeront entre les anciens et les inévitables nouveaux aspirants au pouvoir et surtout au partage des avantages qui en découlent. En d’autres mots continuité n’est pas nécessairement synonyme de stabilité.

La Russie se porte bien, du moins par comparaison avec le passé récent, mais le tableau ne doit pas non plus faire abstraction des nombreux disfonctionnements qui, faute d’être corrigés, jettent une ombre sur son avenir plus ou moins proche. En d’autres mots, l’eldorado russe reste fragile. Les institutions sont opaques et inefficaces parce qu’accaparées au profit d’un pouvoir lui-même dominé par des intérêts particuliers. La corruption ronge les fondements du système.

Le succès de Medvedev se jugera, en premier lieu, à sa capacité de moderniser les institutions issues de la transition post communiste, lesquelles sont encore trop souvent marquées par des pratiques soviétiques et minées par la corruption. Il s’agit donc de réformer les mentalités autant que les institutions elles-mêmes. Ce ne sera pas chose facile.

Enfin, la Russie a renoué avec ses ambitions de puissance mais elle doit encore trouver une place à sa mesure dans un concert des nations beaucoup plus complexe qu’il ne l’était dans le monde bipolaire de la guerre froide. L’époque est aujourd’hui plus au partenariat qu’aux partages en sphères d’influence et la puissance se mesure plus à la capacité de convaincre que de contraindre. Ici aussi, Medvedev aura à accomplir un travail en profondeur sur les esprits pour faire passer l’idée que le partenariat, notamment avec l’Europe, passe par la confiance mutuelle et par l’acceptation de l’interdépendance. La Russie est certes un partenaire incontournable, mais il y a toute raison de penser que ce partenaire restera aussi ombrageux et difficile sous la Présidence de Medvedev qu’il ne l’était sous celle de Poutine; et ce, pour les mêmes raisons.

Working Paper European Affairs Program, n°2, Feb. 2008.
(Photo credit: josef.stuefer, Flickr)